Les clubs sportifs et les collectivités locales entretiennent une relation étroite, fondée sur des valeurs partagées de service public, de cohésion sociale et de développement territorial. À travers ce regard croisé, Raphaël Blanchard, adjoint au maire de Reims, ainsi que Séverine Bardaud et Denis Lafoux, coprésidents de la Fédération Française des Clubs Omnisports, apportent leurs points de vue respectifs sur les mêmes questions. Leurs réponses permettent d’illustrer la complémentarité de leurs missions et de mettre en lumière les leviers qui favorisent une coopération durable au service du sport et des territoires.

Raphaël Blanchard
Adjoint au maire de Reims et délégué à la Ville active et sportive, Raphaël Blanchard est également Vice-président du conseil départemental de la Marne, en charge des sports, Président délégué de la conférence des financeurs du Sport Grand-Est et membre du comité directeur de l’Association national des élus en charge des Sports (Commission des pratiques émergentes et du plan 5000 équipements).

Séverine Bardaud et Denis Lafoux
Séverine Bardaud et Denis Lafoux sont coprésidents de la Fédération Française des Clubs Omnisports. Engagés de longue date dans la promotion du modèle omnisports, ils œuvrent pour accompagner les clubs dans leur développement, renforcer leurs liens avec les collectivités et valoriser leur rôle social sur les territoires. Leur coprésidence incarne une gouvernance partagée et une vision commune du sport comme levier de cohésion et d’intérêt général.
Pourquoi est-il essentiel que les collectivités locales et les clubs sportifs travaillent ensemble pour développer la pratique sportive sur un territoire ?
Raphaël Blanchard : Si la création d’une association est une liberté de tous, la mise en œuvre du projet associatif obligatoire pour toute association crée des liens de dépendance entre l’association et la puissance publique répartie entre les collectivités locales et l’Etat. Cette situation de droit crée les conditions d’un projet partagé sur des sujets majeurs tels que l’usage d’infrastructures, la mise à disposition de moyens humains, matériels et financiers et la formalisation de projets ponctuels ou récurrents.
La proposition par la loi de 2022 « Démocratisation du Sport » d’un projet sportif local n’est pas un énième document technique mais l’assurance d’un travail partagé sur des projets, qui crée les conditions d’une reconnaissance plus forte d’une politique sportive sur chaque territoire. L’association a besoin d’une pérennité de ses moyens pour se concentrer sur la réalisation de l’action tandis que la collectivité a besoin de cadrer sa relation avec l’association qui est régulièrement un acteur discret de l’intérêt général sujet aux aléas d’une gouvernance annuelle qui rassemble la vie interne de l’association, la mise en œuvre de ses activités et la construction d’événements.
Séverine Bardaud : Cette collaboration est nécessaire sur plusieurs aspects. Tout d’abord parce que clubs et collectivités s’adressent aux mêmes personnes. Certes, tous les habitants ne sont pas dans le club mais la réciproque est quasiment assurée. Une très grande majorité des adhérents du club de la ville est issue de ce territoire ou de la très proche périphérie, particulièrement en zone rurale. Par ailleurs, les clubs sont des acteurs importants du dynamisme local et de l’attractivité du territoire. Ils contribuent donc à un des enjeux forts de la collectivité qui est d’attirer, de structurer et de développer une offre et des services pour sa population. Il s’agit aussi parfois simplement de maintenir de la vie au sein de son territoire.
Cette collaboration est aussi souvent impérative parce que le club, particulièrement s’il est omnisports et donc en général la plus grande association du territoire, bénéficie des moyens matériels et/ou financiers que la collectivité accepte de lui accorder pour participer au rendu d’un service public que peut, par exemple, être l’accès à l’activité physique et sportive.
Quels sont, selon vous, les besoins prioritaires des clubs vis-à-vis des collectivités (infrastructures, financement, soutien logistique, mise en réseau…) ?
Raphaël Blanchard : Au préalable, les clubs sportifs ont besoin d’être accompagnés pour identifier leur impact sur les politiques publiques locales. Après cette étape, la collectivité et l’association peuvent se retrouver pour identifier leurs objectifs et fixer leurs projets communs et mettre en œuvre tous les moyens nécessaires dans la limite des ressources de l’un et de l’autre. Enfin, il m’apparait nécessaire que les collectivités soutiennent les associations dans leur mise en réseau et la construction de nouveaux partenariats même si cela dépasse la compétence de la collectivité. Les projets sportifs fédéraux sont aujourd’hui trop différents dans leurs moyens et leurs orientations pour assurer que toutes les associations ont le soutien nécessaire à leurs actions.
Denis Lafoux : Il me semble qu’aujourd’hui le besoin prioritaire identifié par tous est la rénovation et/ou la création d’infrastructures. Ce ne sera pas une surprise pour nos partenaires de l’ANDES ou de l’AMF si aujourd’hui nous mettons en avant la carence ou la vétusté d’un grand nombre d’équipements sportifs.
Pour autant, là encore, on ne peut pas, nous fédérations ou associations, se contenter de dire « les villes doivent construire plus d’équipements ! ». Ce serait trop facile et ce serait peut-être aussi rejeter une partie des torts sur nos partenaires. N’est-ce pas nous, mouvement sportif, qui avons poussé aussi à des équipements toujours plus perfectionnés, toujours plus spécialisés, toujours plus normés ? Dans quel but ? Faire bouger nos enfants ? Lutter contre la sédentarité ? Accompagner la fin de vie ? Favoriser la mixité des pratiques ou encore l’intégration et le lien social ? Si aujourd’hui, le besoin d’installation est criant et que nous soutenons qu’il faut avancer sur ce dossier pour être en phase avec les grands enjeux de demain concernant les activités physiques et sportives, la question se doit quand même d’être posée sur quels équipements pour quels objectifs et avec quels moyens.
Tout ça pour dire que finalement, le besoin premier dans nos relations avec les collectivités n’est-il pas de se parler ? De construire ensemble, localement, la réponse aux attentes de la population tout en restant en adéquation avec le projet associatif et sportif de son club.
Quelles attentes les collectivités ont-elles, de leur côté, vis-à-vis des clubs sportifs (animation du territoire, inclusion sociale, santé, éducation…) ?
Raphaël Blanchard : Les collectivités s’appuient sur les associations sportives pour animer le territoire, soutenir le lien social, développer des projets et éventuellement réaliser des événements.
Pour la plupart des projets ils doivent toucher le plus large public ou cibler des publics éloignés pour soutenir le bien-être du bassin de vie. Le lien avec l’entreprise tend à se renforcer. Bien qu’annexe aujourd’hui nous ne pouvons pas mettre de côté que la vie associative se nourrie de l’entreprise autant que l’entreprise est soutenue par l’action de l’association.
Séverine Bardaud et Denis Lafoux : Nous croyons qu’aujourd’hui les collectivités, tout comme l’Etat d’ailleurs, attendent beaucoup des clubs, particulièrement des omnisports qui par leur taille et leur structuration sont souvent les relais des politiques publiques. A une époque où certains communautarismes et pas uniquement religieux, reviennent en force, les collectivités attendent notamment de leurs associations qu’elles fassent société, qu’elles lient les populations, … bref qu’elles contribuent à une forme de cohésion sociale.
Il ne s’agit pas ici de se plaindre car nous portons l’idée que l’association sportive doit être un acteur fort de son territoire, ne vivant pas à côté des structures sociales, culturelles, éducatives, … mais avec. Il s’agit simplement d’alerter les élus locaux que l’association doit aussi avoir la capacité de porter et construire son propre projet associatif. Il semble nécessaire de garder une vigilance sur l’ indépendance que doivent conserver les associations sans pour autant renier les liens étroits et certains objectifs partagés, pour lesquels d’ailleurs il est légitime que les collectivités soutiennent financièrement.
Comment collectivités et clubs sportifs peuvent-ils co-construire une vision commune du sport qui dépasse le simple soutien financier et touche aux enjeux sociaux, éducatifs et environnementaux du territoire ?
Raphaël Blanchard : Comme j’ai pu l’annoncer dans la première question la loi « Démocratisation du Sport de 2022 » a créé un nouvel outil au service des bassins de vie entre le projet associatif, le projet sportif fédéral, et le projet sportif territorial. Le premier est d’intérêt particulier, le second est d’intérêt général et le dernier d’intérêt partagé. Le projet sportif local identifie chaque moyen, lie les impacts croisés du sport dans l’urbanisme, les solidarités, la santé, l’éducation, l’animation et l’attractivité.
La collectivité et l’association ont tout intérêt à se retrouver pour ne pas être trop soumis aux aléas de moyens de gouvernance et de moyens de l’un et de l’autre tout en définissant sans détour les objectifs de chaque action qui doivent répondre aux engagements de la collectivité.
Séverine Bardaud : J’aime beaucoup la formule de projet sportif local que nous partageons avec nos amis de la FNOMS et de l’ANDES, parmi d’autres. Il s’agit de se réunir autour d’une table, ça se fait encore dans les territoires, et de discuter à bâtons rompus sur les grands enjeux du sport au niveau local afin d’en extraire les grandes orientations. Celles-ci seront forcément adaptées à la situation propre de ce territoire et non pas dictées par des structures nationales qui ne peuvent qu’uniformiser la démarche au plan national.
Et c’est là où votre question est tronquée. Il ne s’agit pas, pour moi, de réunir collectivités et clubs sportifs. Il est nécessaire de réunir tous les acteurs qui peuvent, de près ou de loin être concernés par le sujet de l’activité physique et sportive pour construire ce PSL. Et à partir de là, chacun explique comment il s’engagera et avec quels moyens dans ce projet. Les clubs sportifs y auront bien entendu une part majeure à prendre. Pour autant, les centres sociaux, les écoles, les acteurs de la santé, les acteurs économiques, … ont aussi un rôle à jouer.
Quels modèles ou exemples réussis de coopération entre collectivités et clubs pourraient inspirer d’autres territoires ?
Raphaël Blanchard : Il existe autant d’exemples que de collectivités qui construisent dans le temps long les relations avec les associations. Cela prend en tout cas la forme d’une convention pluriannuelle qui engage les deux parties dans la limite des moyens qu’elles décident.
Denis Lafoux : Plusieurs collectivités comme la ville de Vanves qui a créé un dispositif qui s’appelle Vanvesport ou encore la collectivité de Bordeaux avec la mise en place de ces conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens peuvent être de bons exemples de coopérations au service d’un projet commun, défini ensemble. Mais je crois que les meilleurs exemples, pour le moment, peuvent être cherchés dans d’autres secteurs. Prenons les contrats locaux de santé (CLS) ou les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Dans bien des territoires, nous avons des clubs sportifs qui sont associés à ces démarches, pour des sujets qui pour autant peuvent paraître éloignés de leurs préoccupations premières. C’est à mon avis sur ce modèle qu’il faut construire nos PSL.
Ceci étant, en général et dans de très nombreux territoires, la coopération entre clubs et collectivités est très bonne. Il suffit pour cela de placer l’intérêt commun devant les intérêts personnels. Ce sera d’ailleurs tout l’enjeu des prochaines campagnes municipales de 2026 où les clubs devront réussir à mettre en avant leur projet associatif, au-dessus des enjeux partisans.
Quels leviers ou conditions sont nécessaires pour renforcer et pérenniser cette collaboration ?
Raphaël Blanchard : Un travail collaboratif est le préalable à la construction de ce contrat par nature limitatif. La réalisation d’assises, de conseils d’associations, de pôles sportifs participatifs (géographiques ou thématiques) sont les meilleurs outils de cette collaboration sans oublier une large transparence dans les orientations de la collectivité comme nous le voyons à Amiens, Roanne ou Reims.
Cette méthode doit aussi être engagée sur les travaux et les investissements pour apporter une connaissance globale qui existe par principe par le biais de la publicité des décisions publiques mais malheureusement trop souvent absente dans les associations et plus encore auprès des adhérents qui limitent leur regard à leur activité ou à leur créneau.
Séverine Bardaud et Denis Lafoux : La première condition : placer l’intérêt général au-dessus de tout. La deuxième : se faire confiance. La troisième : se parler. La quatrième : se respecter. Trop souvent malheureusement, nous voyons les intérêts électoralistes ou les égos de dirigeants ou d’élus prendre le dessus sur la raison de leurs engagements. Nous sommes convaincus que nous n’arrivons pas sur ces postes sans avoir un sens du bien commun aigu. Toute la difficulté réside dans la conservation de cette vision et de cet engagement qui reste nécessaire d’un côté comme de l’autre à une bonne collaboration. En effet, une dégradation de cette première condition entraine une remise en question de la confiance qui elle-même amène des difficultés dans le dialogue, difficultés qui parfois se traduisent par l’abandon de cette dernière condition.
Rien n’est immuable et c’est pour cela que, parmi les leviers, il y a la nécessité de créer des espaces de dialogue, des garde-fous s’assurant de la poursuite du bien commun et de clarifier les objectifs à atteindre et les moyens mis en œuvre par chacun pour y arriver.
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